22 janvier 2025
La biodiversité, un actif économique négligé
Une note d’étude de France Stratégie publiée en décembre intitulée « Mettre en valeur la biodiversité: état des lieux et perspectives » examine l’évaluation monétaire de la biodiversité en France. Cette évaluation vise à quantifier la valeur d’usage des principaux services rendus par la nature comme par exemple la séquestration du carbone ou la purification de l’eau. Celle-ci oscillerait entre 0,6 % et 1,8 % du PIB. Cette démarche permettra de rendre visible l’ensemble des interdépendances entre société et biodiversité.
L’érosion de la biodiversité s’accélère
Le constat est connu : l’effondrement des espèces animales et végétales dû à la pression humaine s’accélère. Selon un rapport publié en 2019 par l’IPBES, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, à l’échelle mondiale, sur 8 millions d’espèces d’animaux et de plantes identifiées, près d’un million sont menacées d’extinction. L’érosion de la biodiversité touche aussi la France. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, 44 % des populations d’oiseaux communs comme l’alouette des champs, ont disparu de l’Hexagone entre 1989 et 2023.
L’évaluation économique de la biodiversité
Pour comprendre en quoi cette érosion de la biodiversité nous concerne, il est indispensable de tenter de mesurer la valeur économique des services rendus par la biodiversité, même si l’apport de ces services déborde des aspects purement monétaires. D’après la Convention sur la diversité biologique, la biodiversité est un concept large qui englobe les espèces, les écosystèmes terrestres et marins et les fonctions écologiques associées. Les «services écosystémiques » peuvent être définis comme la contribution de la nature au bien-être et à la survie de l’humanité. L’IPBES les regroupe en trois catégories : les services d’approvisionnement (produits de l’agriculture et de la pêche), les services de régulation grâce à la nature (régulation du climat par la séquestration du carbone par les forêts et les zones humides, volume d’eau purifiée par les micro-organismes, …) et enfin les services culturels ou de loisirs comme les activités de tourisme liées à l’exploration de la nature. L’évaluation économique de la valeur de la nature intègre à la fois les services rendus mais aussi le coût de dommages évités, comme par exemple l’atténuation des glissements de terrain, des risques d’incendie ou des inondations.
L’évaluation économique de la biodiversité en France
Le Joint Research Center (JRC), un laboratoire de recherche de la Commission européenne qui mesure les services écosystémiques des Etats membres de l’Union européenne, a évalué la valeur de huit services fournis par la biodiversité en France. Celle-ci s’élève à 18 milliards d’euros, dont 4,7 milliards pour la purification de l’eau, 2,0 milliards pour la récolte du bois, 1,8 milliards pour le contrôle des inondations et 1,6 milliards pour la production agricole. Enfin, 520 millions d’euros peuvent être attribués à la pollinisation. Plus de la moitié de cette valeur est ainsi associée aux bois et forêts (8,4 milliards). Ces chiffres varient fortement selon les méthodes d’évaluation utilisées qui sont souvent basées sur les valeurs d’usage, les prix de marché ou le coût de remplacement. Le programme EFESE lancé en 2012 par le Ministère de l’Environnement évalue la valeur annuelle des huit services écosystémiques considérés à 49 milliards d’euros, ce qui correspond à environ 1,8 % du PIB français en 2023. La valeur estimée par le JRC correspond à 0,6 % du PIB. La valeur économique de la biodiversité serait ainsi du même ordre de grandeur que celle de l’industrie du luxe en France.
Utilisation des valeurs de la biodiversité
Les résultats obtenus reflètent principalement les valeurs d’usage de la nature. Elles ne sont que l’agrégation d’un nombre restreint de services écosystémiques et ne représentent pas la valeur de la nature en France d’autant plus que la disparition totale de certains services écosystémiques pourrait compromettre la vie humaine elle-même. Les valeurs marginales de ces services, par exemple les pertes associées à la destruction d’un hectare de forêt, pourront être utilisé dans l’analyse coûts-bénéfices de projets d’investissement ou dans l’analyse extra-financière des entreprises.
Sources : France Stratégie Note d’analyse Décembre 2024 Eric Tromeur et Aude Pommeret; Les Echos 18/12/2024: La biodiversité: un actif économique majeur pour la France, largement sous-estimé Marie Bellan