21 avril 2024

Marchés et stratégies

La concentration des indices boursiers, une nouvelle grande tendance ?

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Les marchés boursiers n’ont jamais été aussi concentrés sur un petit nombre d’actions depuis les années 70.

Les marchés boursiers n’ont jamais été aussi concentrés sur un petit nombre d’actions depuis les années 70, grâce en grande partie à l’enthousiasme suscité par l’intelligence artificielle. Ce phénomène de dominance de la performance par quelques valeurs est particulièrement visible pour les actions américaines. Les « Sept Magnifiques » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla) ont ainsi été à l’origine de quasiment tous les gains du S&P 500 en 2023. Mais ce phénomène de concentration n’est pas le seul apanage de Wall Street. En Europe, les « Granolas », les onze principales capitalisations européennes, ont également largement tiré la performance du Stoxx 600. Les Granolas sont formés par GSK, Roche, ASML, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L’Oréal, LVMH, AstraZeneka, Sanofi et SAP.


Une concentration plutôt homogène

Ce phénomène de concentration est relativement homogène et assez comparable en Europe et aux Etats-Unis. Il s’agit toujours de grandes entreprises globales avec de fortes croissances bénéficiaires sur le long terme. La tendance est probablement exacerbée par la crainte des investisseurs de manquer la hausse, le fameux « Fear Of Missing Out (FOMO) » ainsi que par l’importance de plus en plus grande des ETF qui amplifient les tendances de marché.


Les « Sept Magnifiques »

Dans l’histoire boursière, ce phénomène de dominance n’est pas nouveau. Au tournant des années 1960 et 1970, les Nifty Fifty (les 50 géniales), le surnom donné à un groupe de 50 valeurs de croissance, occupaient dans l’esprit des investisseurs une place semblable à celle des 7 Magnifiques aujourd’hui. Parmi les principales valeurs du Nifty Fifty figuraient Walt Disney, Coca-Cola, McDonalds, Kodak et Philip Morris.

Ces entreprises affichaient à l’époque d’excellents fondamentaux, des modèles d’entreprises innovants et une croissance de leurs chiffres d’affaires et de leurs bénéfices très supérieurs à la moyenne. Leur apparente invincibilité semblait justifier des valorisations élevées. A leur apogée, le top 5 des valeurs américaines pesait environ 25% du S&P 500 proche du poids des 7 Magnifiques aujourd’hui.

La valorisation des leaders de l’époque a été poussée de plus en plus haut jusqu’à ce qu’ils tombent en disgrâce lors de la chute du marché en 1973. La faiblesse de la croissance, la résurgence de l’inflation et de la hausse des taux a conduit les investisseurs à réévaluer leurs perspectives de croissance et à remettre en question les valorisations élevées. Un autre exemple est la concentration autour des valeurs TMT (télécoms, médias, technologie) lors de la bulle Internet de 2000. La concentration du S&P 500 a dépassé en 2023 celle observée en 2000 pendant la bulle Internet. La domination des Sept Magnifiques est telle que leur valeur boursière (13100 md USD) est supérieure à celle du marché boursier chinois (11500 md USD).


Les « Granolas »

En Europe, les Granolas (terme inventé par les stratégistes de Goldman Sachs en 2020) pèsent environ 25% de la capitalisation boursière du Stoxx 600, un poids comparable à celui des 7 Magnifiques dans le S&P 500 (30%). Leur performance explique 60 % de la progression du Stoxx 600 sur un an (à fin janvier 2024). Ces valeurs ont pour caractéristiques communes qu’elles sont très exposées à l’international et affichent un taux de croissance de leurs chiffres d’affaires et de leurs bénéfices bien supérieur à celui du STOXX 600. Cette bonne visibilité explique la forte réévaluation de leur PER prévisionnel à 12 mois qui ressort à 27 fois contre 14 fois pour le Stoxx 600 (source IBES). On est toutefois loin des niveaux de PER observés en 2000.


Des indices plus vulnérables

Cette concentration semble ainsi se développer plutôt au cours de périodes de taux bas, en raison de l’impact des taux d’actualisation sur les bénéfices futurs et une revalorisation des entreprises de croissance. En 1973 et en 2000, l’histoire s’était mal terminée, les marchés boursiers perdant environ la moitié de leur valeur. Est-ce que les taux de croissance des bénéfices implicites dans les valorisations actuelles de ces valeurs sont soutenables sur le long terme ? Il est très difficile de savoir si nous sommes aujourd’hui dans une bulle ou pas. L’étroitesse des marchés haussiers actuels les rend en tout cas vulnérables à un renversement de dynamique.


Sources: Agefi 29/2/24 Les marchés actions européens savourent la performance des Granolas Xavier Diaz, Agefi 14/2/24 La concentration de la Bourse américaine atteint des records Xavier Diaz, DB Jim Reid A Macro Guide to the Magnificent Seven, Goldman Sachs Peter Oppenheimer: The Concentration Conundrum


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