23 janvier 2025

Investissement responsable

Pourquoi les obligations souveraines vertes bénéficient-elles d’une prime ?

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Depuis que la France a lancé en janvier 2017 la première obligation souveraine verte, de nombreux autres Etats de la zone euro ont choisi cet instrument pour financer leurs projets environnementaux. Ces titres bénéficient depuis la création de ce marché d’une prime. Le prix de marché de ces titres est en effet légèrement supérieur à celui des titres conventionnels de même maturité. Quels sont les facteurs qui expliquent cette « prime verte » et son évolution ?


Les Etats de la zone euro, moteurs du développement du marché obligataire vert

Les émissions mondiales d’obligations durables souveraines se sont élevées en 2024 (à fin novembre) à l’équivalent de 122 Md€, légèrement supérieur aux montants issus en 2023 (toutes devises confondues, source CACIB). Les obligations vertes représentent la part la plus importante avec 77 %, des titres émis, les obligations à la fois vertes et sociales, et les obligations sociales respectivement 14 % et 9 %. Les titres émis en Euro pèsent 53 % du total émis, celles en USD et en Yen respectivement 15 % et 11 % et les autres devises 21 %. Par région, les émetteurs européens sont les plus nombreux avec 60 % des émissions, suivis par l’Asie (21 %) et l’Amérique latine (8 %). L’Allemagne a été le plus gros émetteur souverain en 2024 comme en 2023 (17,5 Md€), suivi par la France (14,1 Md€), l’Italie (11,4 Md€), le Japon (10 Md€), un nouvel émetteur d’obligations durables, et le Royaume-Uni (4 Md€).


Malgré l’offre en hausse, une prime subsiste sur les obligations d’Etat vertes

Alors que la prime a complétement disparu cette année sur les obligations privées seniors d’émetteurs non financiers et s’est même transformée en légère décote, elle subsiste sur les émetteurs souverains. Depuis 2021, l’année au cours de laquelle le marché est devenu  suffisamment liquide, la prime verte moyenne s’est élevée à -2,8 pb sur le taux de rendement.
La rareté des obligations d’Etat vertes peut être un facteur explicatif. Les émissions vertes souveraines ne représentaient en 2023, malgré leur forte croissance depuis 2017, que 5% des émissions souveraines de la zone euro. Plus précisément, elles représentaient 6% en Allemagne, 4% en Italie et 3% en France. Il semble donc subsister un déséquilibre entre l’offre et la demande pour ce type d’investissement.


evolution de la prime verte


Des disparités importantes de la prime verte parmi les émetteurs

En décembre 2024, la prime verte pondérée des obligations d’Etat allemandes et françaises s’élevait à respectivement -3,6 pb et -0,9 pb. Celle des titres italiens atteignait -6,6 pb, la prime la plus importante. Ces écarts de prime ne correspondent pas à la relative rareté des émissions de titres verts dans chacun de ces pays observée ci-dessus. L’impact de la notation de crédit des Etats sur la prime verte ne semble pas être un déterminant non plus. L’écart de prime par ordre décroissant entre l’Italie, l’Allemagne et la France ne correspond en effet pas à l’ordre de notation de ces trois pays. 


Pour les obligations d’entreprises, la recherche académique a mis en avant la crédibilité de l’émetteur comme déterminant de la prime verte. Mais, selon l’étude de la Banque de France, l’effet pays ne ressort pas comme facteur explicatif significatif de la prime verte souveraine. Tous les émetteurs verts ont en effet établi un cadre conforme à celui développé par l’International Capital Market Association.


Des facteurs idiosyncratiques à l’origine des primes vertes

On constate par ailleurs que cette prime a tendance à se résorber (cf graphique). Dans le cas allemand, la Bundesfinanzagentur émet ses obligations vertes dans le cadre contraint d’obligations jumelles. La prime verte semble attribuable à la faiblesse entre l’encours émis par rapport à celui de l’obligation conventionnelle de même maturité et avec le même coupon. En France, certains titres verts bénéficient d’une prime alors que d’autres non. Les montants levés, la liquidité et la maturité sont des facteurs idiosyncratiques possibles. Il est actuellement difficile d’établir un lien de causalité fort à ce stade en raison de l’étroitesse relative de l’échantillon d’émissions. La croissance dynamique de ce marché permettra de mieux analyser les déterminants de la prime verte dans quelques années.


Sources: BdF Tamaki Descombees et Urszula Szczerbowicz « Les obligations souveraines vertes bénéficient-elles d’une prime verte? Décembre 2024; CACIB Butler, Huede la colombe, Le Leonnec-Serra « Sustainable Outlook 2025: All by myself »


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